Vertige Positionnel

I. Introduction

Les sensations vertigineuses sont une des causes de consultation les plus fréquentes, environ 1 patient sur 5 consulte son médecin généraliste pour ces maux. Les causes de ces vertiges sont nombreuses et présentent un degré de gravité très variable. Le vertige positionnel paroxystique bénin (VPPB), sujet de cet article, est diagnostiqué dans 35% des cas [1][2][3]. 30% des personnes de 70 ans ont au moins une fois fait l’expérience d’un VPPB. Le VPPB est caractérisé par une sensation de grand vertige rotatoire inférieur à une minute. Ce vertige est dû à la conséquence d’un désordre mécanique de l’oreille interne.

II. Mécanique du VPPB

En 1969 Schuknecht (Schuknecht 1969, Schuknecht and Ruby 1973) émit l’hypothèse que des débris venaient adhérer à la cupule transformant ainsi ses propriétés de capteur d’accélération angulaire en capteur d’accélération linéaire. Ce phénomène s’appelle la cupulolithiase. Il est aujourd’hui largement admis que ces débris flottent librement dans les canaux semi-circulaires canalolithiases (Parness et Mc Clure en 1991 puis Epley en 1992), c’est la canalolithiase. Ces débris, probablement otolitiques provenant de l’utricule, sont plus denses que l’endolymphe circulant dans les CSC. En migrant dans les canaux lors des mouvements de rotation de la tête, ils créent un mouvement de la cupule qui n’a pas lieu d’être. Celle-ci génère alors un message nerveux afférent à destination du cerveau. Ce dernier désirant adapter la vision à la position de la tête commande alors la contraction des muscles responsables du mouvement des yeux, il apparaît alors un nystagmus.

Ce nystagmus joue un rôle primordial dans le diagnostic du VPPB. En fonction de ses propriétés (direction de battement, sens de rotation, durée, inversion) il nous indiquera si le vertige est d’origine centrale ou périphérique. En ce qui nous concerne, s’il est périphérique, il nous renseignera sur le canal touché par le VPPB. Il existe aujourd’hui un matériel indispensable pour réaliser un bon diagnostic, ce sont les lunettes de vidéo nystagmographie.Elles permettent au sujet d’être dans le noir et ainsi d’éviter que le nystagmus soit inhibé par la fixation d’un objet. Ces lunettes sont munies d’une caméra qui permettra au praticien de visualiser l’œil de manière plus confortable. Il est à noter que les médecins généralistes ne possèdent pas ce type d’appareil, ils vous laisseront donc le soin d’affiner leur diagnostic pour choisir le traitement adéquat. Le traitement du VPPB se décline en plusieurs manœuvres libératoires. Celles-ci sont effectuées une fois seulement que le canal comportant les débris a été mis en évidence.

III. Tests et traitements du VPPB

Sur les trois canaux semi-circulaires, deux sont principalement touchés par le VPPB. Dans 80% des cas on retrouve un VPPB du canal postérieur, dans 10 à 20% des cas c’est un VPPB du canal latéral [3][4]. Le VPPB du canal antérieur est très rare et très peu décrit dans la littérature scientifique, nous n’en parlerons pas davantage.
C’est seulement après avoir effectué le bilan classique minutieux du patient vertigineux que nous débuterons les manœuvres test du VPPB.
L’interrogatoire est important, il orientera vers le canal à tester en premier. En effet, on retrouve des histoires assez communes aux patients selon le canal touché.
Dans le VPPB du canal postérieur, le patient se plaint d’un grand vertige rotatoire au réveil, plus particulièrement en passant en position assise, mais aussi lorsqu’il regarde en hauteur.
Dans le VPPB du canal latéral, le patient ne se plaint pas d’un vertige lorsqu’il sort du lit, mais plutôt lorsqu’il tourne la tête d’un côté à l’autre.
Une fois l’hypothèse la plus vraisemblable posée, il est important que le praticien explique au patient les manœuvres qu’il va effectuer. Le patient est angoissé et appréhende la manœuvre qui va re-déclencher son vertige.

IV – Les manœuvres tests

Les manoeuvres peuvent être efféctuées par un kinésithérapeute spécialisé en rééducation vestibulaire ou par un ORL. A mon sense, la vidéoscopie est indispensable.

Cette kinésithérapie est pratiquée dans nos cliniques à Ashdod et Tel-Aviv.

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1. Manœuvre test dans le cadre d’un VPPB du canal postérieur

  • La manœuvre de Dix et Hallpike :

vertige Le patient est assis sur la table d’examen avec les jambes tendues sur celle-ci.[3] Afin de respecter l’angle du canal postérieur, la tête sera tournée d’environ 45°. Le praticien couche le patient sur le dos, la tête doit finir en légère extension. Si un nystagmus se déclenche lors de la manœuvre avec tête tournée à droite, cela signifie une atteinte de l’oreille interne droite, et inversement pour une rotation gauche.Le seul déclenchement du nystagmus ne suffit pas à arrêter le diagnostic de VPPB du canal postérieur.

Afin de ne pas passer à côté d’une atteinte du système nerveux central, plusieurs propriétés du Nystagmus doivent être retrouvées pour poser le diagnostic :

– On observe un temps de latence avant le déclenchement du Nystagmus (5-10s)

– Le nystagmus doit être torsionnel et géotropique, sa phase rapide bat du côté de l’oreille inférieure.

– Sa durée est inférieure à une minute.- Il s’inhibe à la fixation.- Il s’inverse lors du retour à la position assise.

– Si la manœuvre est répétée plusieurs fois le Nystagmus disparaît.

vertige

2. Manœuvre test dans le cadre d’un VPPB du canal latéral

Il existe deux type de VPPB du canal latéral, le premier entraîne un nystagmus géotropique le second un nystagmus agéotropique.
Le patient est en décubitus dorsal. La tête repose sur un coussin de manière à ce qu’elle soit en flexion de 30° environ afin de respecter l’angle du canal horizontal. Le praticien tourne la tête du patient à droite. Le praticien observe si un nystagmus se déclenche, puis tourne ensuite la tête du patient à gauche.

Nystagmus attendus :

– Il est horizontal.

– Il peut être géotropique (bat vers la terre). Le nystagmus bat plus fort du côté de l’oreille atteinte.

– Il peut être agéotropique (bat vers le ciel).- Le temps de latence d’apparition du nystagmus est court puisqu’ inférieur à 5 secondes.

– Le nystagmus ne s’épuise que partiellement.

Si en théorie, comme nous venons de le voir, la description du nystagmus paraît très catégorique selon le type de VPPB, la pratique est légèrement plus complexe. En effet, il n’est pas rare qu’un VPPB du canal postérieur déclenche aussi un vertige lors du test du canal horizontal. De même, d’une séance à l’autre un VPPB du canal latéral peut devenir un VPPB du canal postérieur. Il est donc important de refaire les manœuvres test à chaque séance avant de réaliser la manœuvre libératoire.

3. Les manoeuvres libératoires dans le cadre d’un VPPB du canal postérieur.

En 1980, Brandt et Daroff proposent une série de manœuvres dans lesquelles le patient est basculé d’un côté à l’autre afin de traiter le VPPB. En 1988, Semont, Toupet et leurs collaborateurs soutiennent que cette manœuvre n’a pas besoin d’être répétée, mais qu’elle peut traiter le problème en une fois. Eplay propose en 1992 une variante de cette manœuvre.
La manœuvre libératoire de Semont (VPPB du canal Post.)

Exemples pour un Vppb du canal postérieur de l’oreille gauche.

Après avoir repéré l’oreille atteinte  (BRANDT ET DAROFF):

  1. Le patient est assis face au praticien, celui-ci tourne la tête du patient de 45° vers la droite.
  2. Le patient est alors allongé en décubitus latéral gauche, la tête est maintenue en rotation.
  3. Un nystagmus horizonto-torsionnel se déclenche.
  4. Une fois le nystagmus épuisé, le patient est basculé en décubitus latéral droit.
  5. Observer alors l’apparition d’un nystagmus, celui-ci    correspondrait aux passages des cristaux dans leur emplacement originel. C’est alors un signe de guérison.

La manœuvre libératoire d’Epley (VPPB du canal Post.)

  1. Le patient est assis, jambes étendues sur la table.
  2. Le praticien allonge le patient sur le dos comme pour réaliser un dix et hallpike, la tête en rotation vers le côté gauche de 45°.
  3. Un nystagmus horizonto-rotatoire se déclenche.
  4. A- une fois le nystagmus épuisé, le praticien tourne la tête du patient de 90° vers la droite. L’apparition d’un nystagmus, à cette étape, qui battrait vers l’oreille gauche serait signe d’une manœuvre réussie.
  5. B– Le patient se tourne sur le côté droit, la tête maintient la rotation précédente.
  6. Le patient reste dans cette position 3 minutes puis se relève en maintenant la position.

3.    La manœuvre libératoire de LEMPERT (VPPB du canal Lat. géotropique)

La manœuvre Barbecue de Lempert consiste à faire faire une rotation du patient sur lui-même de 270° du côté opposé au vertige. Cette rotation se fait par paliers de 90 degrés [6].

Il n’a pas encore été trouvé de manœuvre significativement efficace pour traiter le VPPB du canal latéral agéotropique, sa guerison se fera avec le temps.

V – Conclusion

La rééducation vestibulaire fait partie de ces spécialités que le kinésithérapeute a la chance de pouvoir pratiquer. Le praticien est totalement autonome face au patient. Bien souvent, des patients le consulteront sans passer par le généraliste et sans avoir fait d’examens complémentaires. Dans ce cas, le soignant a l’obligation de connaître et de savoir repérer les signes de gravité d’une atteinte centrale. Il est nécessaire de se fixer des limites quant au nombre de séances et de ne pas céder à la demande du patient qui vous voit comme son seul recours. Même en l’absence de signes de gravité, il est aujourd’hui recommandé de renvoyer le patient consulter son ORL au bout de trois séances sans résultats.

Bibliographie:

[1]P.TRAN BA HUY; C.DE WAELE; Les vertiges et le praticien. 1996

[2]A.CHAYS; A.FLORANT; E.ULMER, Les Vertiges, 2nd edition, 2009

[3]T.BRANDT; Vertigo, its multisensory Syndromes,2nd edition.2003

[4]M.R. DIX and C,S. HALLPIKE .The pathology, symptomatology and diagnosis of certain common disorders of the vestibular system. The Annals of Otology, Rhinology and Laryngology, December 1952, 61 (4): 987-1016.

[5]C.OLOF NYLEN. Position nystagmus. A review of future prospects.The Journal of Laryngology and Otology, 1950, 64: 395-418.

[6]- D.NUTI, P. VANNUCHI, P. PAGNINI Benign paroxysmal positional vertigo of the horizontal canal: a form of canalolithiasis with variable clinical features. J Vestib Res 1996; 6(3): 173–184

Auteur: Julien Encaoua – Kinésithérapeute à Tel-Aviv et Ashdod.

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